Bref rapport
Modération
Nell FOSTER (ULB)
Alex HOUSEN (VUB)
Panel
CD&V: BENJAMIN DALLE
DEFI: BERNARD CLERFAYT
ECOLO: GILLES VANDEN BURRE
GROEN: ELKE VAN DEN BRANDT
LES ENGAGES: ALAIN DENEEF
MR: RICHARD MILLER
N-VA: CIELTJE VAN ACHTER
OPEN VLD: SVEN GATZ
PS: MARTIN CASIER
PTB-PVDA: BRUNO BAUWENS
VOORUIT: ANS PERSOONS
Format
En guise d’introduction, les deux modérateurs ont exposé les objectifs du Plan Marnix, à savoir promouvoir l’apprentissage des langues et le multilinguisme pour tous les habitants de la Région de Bruxelles-Capitale, avec la conviction (basée sur la recherche scientifique) que le multilinguisme individuel est le ciment qui maintient la cohésion de communautés hyperdiverses telles que Bruxelles et qui délivre les multiples avantages (sociaux, cognitifs, culturels, économiques) que le multilinguisme et la diversité linguistique peuvent conférer. D’où l’importance de politiques et de mesures linguistiques explicites à cette fin au cours de la prochaine législature.
A cette fin, le Plan Marnix a organisé pour la troisième fois un débat entre les têtes de liste des onze principaux partis politiques bruxellois afin d’entendre leurs opinions sur ces questions. Chaque participant était invité à choisir parmi une sélection de quinze propositions (extraites des trente-six recommandations proposées par le Mémorandum du Conseil de Bruxelles pour le multilinguisme) trois propositions qu’il jugeait prioritaires pour la prochaine législature et une qu’il jugeait moins importante, contre-productive ou irréalisable.
Tous les participants pouvaient s’exprimer en français ou en néerlandais. Plusieurs représentants des partis francophones se sont également exprimés en néerlandais et plusieurs représentants des partis néerlandophones en français. Ce qui suit est une version augmentée des remarques finales présntées à la fin de la rencontre par Philippe Van Parijs, président du Conseil bruxellois pour le multilinguisme.
Des convergences prévisibles
Si le format (fructueux) de la réunion n’a pas permis d’identifier avec certitude les propositions qui font l’unanimité, le choix résolu de certains panélistes, non contredit par d’autres, suggère l’existence d’un large consensus (assez prévisible) sur les points suivants :
- l’importance de promouvoir le multilinguisme en général, et en particulier la connaissance du français, du néerlandais et de l’anglais chez les demandeurs d’emploi,
- l’importance décisive de l’acquisition et de l’appréciation positive de toutes les langues maternelles,
- sur l’efficacité, pour l’apprentissage des langues dès le plus jeune âge, de formules d’immersion/CLIL (qui incluent de facto la fréquentation des écoles néerlandophones et francophones par leurs nombreux élèves dont la langue maternelle diffère de la langue de l’école), y compris dans les sections techniques/professionnelles,
- sur l’opportunité de jumeler des écoles bruxelloises néerlandaises et françaises avec des écoles de l’autre régime linguistique (éventuellement situées en Flandre et en Wallonie),
- sur l’utilité des échanges d’enseignants entre les écoles néerlandophones et francophones (actuellement fortement entravés par la désynchronisation des calendriers scolaires),
- sur la difficulté de recruter et de garder des enseignants, en particulier néerlandophones, dans les écoles bruxelloises (encore plus depuis la désynchronisation des calendriers scolaires),
- sur la difficulté de former suffisamment d’enseignants de néerlandais dans les écoles primaires de la FWB (difficulté qui devrait encore s’accroître du fait de l’introduction du néerlandais dès la 3e année en Wallonie en 2027),
- l’utilité potentielle d’un équivalent francophone du Onderwijscentrum Brussels.
Peut-être plus surprenant
De manière peut-être moins prévisible, un large consensus s’est également dégagé sur la nécessité de réaligner les calendriers scolaires français et néerlandais, que ce soit pour réduire la perte des compétences linguistiques (et la perte d’autres compétences scolaires) pendant les vacances d’été (Van Achter) ou pour faciliter la collaboration entre les institutions francophones et néerlandophones (y compris pour les activités de temps libre pendant les périodes de vacances), ainsi que pour des raisons symboliques (Van den Brandt).
Un large consensus semble également se dégager sur l’extension de l’offre de services publics dans des langues autres que le français et le néerlandais, et pas seulement l’anglais, éventuellement avec des autocollants indiquant les langues que l’agent peut parler (Persoons), avec (Deneef) ou sans (Gatz) extension à toutes les langues de la prime au bilinguisme, et avec la révision nécessaire de la législation fédérale (Casier, Gatz).
L’idéal de véritables "écoles bilingues" (même si elles n’impliquent pas la régionalisation de l’enseignement) a probablement été le sujet le plus controversé, les panélistes francophones y étant majoritairement favorables (sauf Défi) et les panélistes néerlandophones majoritairement défavorables (sauf Groen et PVDA).
Nouvelles idées
Au-delà des recommandations du Conseil bruxellois pour le multilinguisme, un certain nombre d’autres idées ont été proposées par les panélistes, notamment
- offrir le "français langue d’apprentissage" (FLA) dans toutes les écoles francophones, et pas seulement dans celles qui bénéficient d’une "discrimination positive", c’est-à-dire celles qui bénéficient de ressources supplémentaires en raison des caractéristiques socio-économiques de leurs élèves (Deneef),
- introduire des tests au niveau communautaire dans toutes les écoles francophones, comme c’est le cas dans toutes les écoles néerlandophones, ce qui fournirait des informations plus fiables que les enquêtes PISA-PIRLS (Van Achter),
- exiger un engagement en faveur de la promotion du multilinguisme dans les contrats de gestion des médias publics (Miller),
- organiser des tournois d’éloquence dans la deuxième ou troisième langue des élèves et des étudiants (Vanden Burre)
- lier les tests Brulingua à un passeport linguistique bruxellois à utiliser pour les demandes d’emploi (Gatz).
Une semaine bruxelloise du multilinguisme
Brulingua est un excellent instrument pour l’apprentissage des langues, mais il est dramatiquement sous-utilisé (Clerfayt, Gatz). Tous les parents doivent être encouragés à adopter une "politique linguistique familiale" efficace, mais beaucoup d’entre eux ne savent pas ce que cela peut signifier et ignorent ce que les nombreuses bibliothèques bruxelloises proposent pour les aider. Les écoles et les crèches doivent être encouragées à adopter une attitude à l’égard des langues familiales qui soit bénéfique à la fois pour le maintien de ces dernières et pour l’apprentissage de la langue scolaire, mais elles manquent souvent de conseils sur la manière d’y parvenir. Et de nombreux role models remarquables pourraient être recrutés pour que l’apprentissage des deux langues officielles de Bruxelles soit au moins aussi cool que l’apprentissage de l’anglais.
Afin de servir ces différents objectifs, le Conseil bruxellois du multilinguisme propose l’organisation d’une semaine annuelle du multilinguisme à Bruxelles : une initiative largement bottom-up, qui ne doit pas coûter grand-chose et qui peut démarrer très modestement. Cette idée a paru faire consensus. Mais sa coordination nécessite un soutien institutionnel.
La pérennisation d’un portefeuille ministériel pour la promotion du multilinguisme est essentielle à cette fin selon certains (Miller), tandis que pour d’autres, c’est l’engagement de l’ensemble du gouvernement bruxellois qui revêt une importance cruciale (Bauwens). Une autre formule consisterait à créer une petite cellule administrative spécifique, qui pourrait également prendre en charge d’autres initiatives pertinentes telles qu’une plateforme conviviale pour les options d’apprentissage des langues à Bruxelles. Plusieurs, cependant, la jugent excessive à ce stade (Casier, Dalle, Vanden Burre). D’autres formules sont envisageables. Quoi qu’il en soit, une coordination officielle, fût-ce très légère, est indispensable pour assurer la création durable de ce temps fort annuel que constituerait la semaine bruxelloise du multilinguisme et ainsi la poursuite efficace des divers objectifs mentionnés plus haut.
Un débat civilisé grâce à des connaissances fiables
Il est frappant de constater à quel point un débat politique civilisé peut s’instaurer sur ce qui était autrefois l’une des questions politiques les plus émotionnelles à Bruxelles. Cette évolution réjouissante est à mettre au crédit de panélistes disposés à s’écouter mutuellement et à apprendre les uns des autres. Mais elle est aussi largement due au fait qu’un tel débat peut désormais s’appuyer sur des connaissances objectives relatives à la situation linguistique de Bruxelles. Malgré les limites inévitables de l’utilisation d’échantillons aléatoires et du recours à l’auto-évaluation, la contribution des Taalbarometers de la VUB à cette connaissance a été décisive.